Daniel Chatroux est expert en électronique de puissance et en batteries lithium-ion pour les applications transport électrique dans l’institut LITEN qui regroupe les activités énergies renouvelables du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il a participé à démarrer les activités solaires photovoltaïque, thermique et énergétique bâtiment de l’Institut National de l’Energie Solaire situé à Chambéry ; puis à Grenoble, les activités système pile à combustible et enfin l’activité véhicule électrique à batterie lithium-ion.
Alors que les batteries au plomb existent depuis le 19e siècle et ont permis à « La Jamais contente » d’être la première voiture à dépasser les 100 km/h, les batteries lithium-ion sont d’apparition récente. C’est en 1991, que Sony a commercialisé la première batterie pour le camescope en associant deux inventions, une américaine et une japonaise, qui ont valu le prix Nobel à leurs inventeurs. Il a fallu ensuite vingt ans pour que le lithium-ion devienne la batterie de tous les objets électroniques nomades de notre quotidien, tels l’ordinateur et le téléphone portable.
On sait que le lithium-ion permet de longues autonomies, qu’il stocke plus d’énergie ; par contre, ce qui est moins connu, est qu’il peut délivrer rapidement cette énergie, sous forme d’une forte puissance et surtout de manière continue, constante. La batterie au plomb de votre voiture peut démarrer le moteur de votre voiture, mais s’essouffle aux bout de quelques secondes. Une batterie lithium-ion ne s’essouffle pas.
Avec les anciennes technologies de batteries, la faible puissance en continu faisait que l’autonomie des voitures électriques chutait énormément pour des vitesses aussi faibles que le roulage au plat sur route. Le lithium-ion a permis la révolution qui est actuellement en cours. C’est TESLA qui a commercialisé la première voiture très performante avec une batterie utilisant 6831 cellules lithium-ion d’ordinateurs portables. Puis, la baisse des coûts a été très rapide, plus rapide que les prévisions les plus optimistes des experts les plus optimistes du fait du choix de la Chine d’être leader sur ce domaine et d’investir en conséquence.
Après l’électronique nomade, le marché principal est aujourd’hui la voiture électrique, avec des besoins plus de cent fois supérieurs, et des investissements en conséquence, donc des évolutions technologiques ou stratégiques extrêmement rapides. La première course a été celle de l’autonomie. Par exemple, pour la même taille de batterie, on est passé de 200 km à 400 km et plus. Certaines voitures ont parcouru un million de kilomètres. Le rendement d’un batterie lithium-ion est exceptionnel de l’ordre de 95 % à 98 %. On a aujourd’hui des batteries efficaces et durables.
Du fait des quantités à produire, la préoccupation majeure est maintenant sur les matériaux. Il y a de nombreuses variantes de lithium-ion : le pôle positif est une feuille d’aluminium revêtu d’oxydes de métaux ; de Cobalt initialement. C’est un métal rare et cher, avec le risque de travail des enfants pour son exploitation. Aujourd’hui, pour les grandes autonomies, des oxydes de Nickel Manganèse et Cobalt sont utilisés avec 90 % de Nickel et 5 % de Cobalt. Ce choix est intéressant pour l’autonomie, le coût et valorise mieux le Cobalt, mais est plus complexe en sécurité.
Une autre variante utilise le phosphate de Fer au pôle plus. Le phosphate est un engrais dont la production dépasse dix millions de tonnes par an. Cette variante, délaissée pour la course à l’autonomie, est maintenant favorite pour les marchés de masse, du fait de son absence de Cobalt, de la seule utilisation de matériaux répandus et de la sécurité de sa chimie. L’automobile impose des faibles coûts, donc des matériaux répandus, une autonomie adaptée à l’application, un nombre de cycles élevé, une longue durée de vie, une conception et un recyclage avec un impact écologique minimum. Pour atteindre ces objectifs, les investissements industriels et en recherche sont à la mesure du marché de l’automobile et les innovations extrêmement rapides. Le phosphate de fer était délaissé depuis dix ans, sauf en Chine, a progressé de 50 % et est maintenant un leader. Le lithium est abondant sur terre, mais de manière très diluée dans l’eau de mer. Le sodium est lui un constituant du sel de mer. Les premières batteries sodium-ion viennent d’être commercialisées. Dans le domaine des batteries, le lithium-ion est une révolution et nous ne sommes qu’au début de cette révolution.