ENCOURAGER A CHANGER LA MOBILITE QUOTIDIENNE NECESSITE DE COMPRENDRE LE BESOIN D’ACCESSIBILITE SPATIALE : Sonia CHARDONNEL – Directrice de recherche au CNRS

19/06/2024

La régulation des mobilités spatiales quotidiennes

La régulation des mobilités spatiales quotidiennes est devenue un objectif majeur de l’adaptation des territoires face aux dérèglements climatiques. Depuis plus d’une décennie, les politiques gouvernementales et locales ont déployé des dispositifs pour engager une transition dans la planification des transports (transports publics, aménagements cyclables, zones de circulation apaisée, zones à faibles émissions, etc.). À ces politiques se sont ajoutées plus récemment d’autres initiatives qui s’adressent directement aux populations encouragées à adopter de nouvelles manières de se déplacer.

Cet angle d’action, portant sur les individus plus que sur les infrastructures, éclaire le fait que la mobilité quotidienne ne se limite pas au simple fait de se déplacer. Elle embrasse différents éléments d’ordre social et spatial touchant in fine à la qualité de vie des populations.

Les mobilités spatiales et la qualité de vie

D’abord, les mobilités spatiales sont une ressource indispensable pour les individus dans la mesure où elles sont le moyen de relier les lieux du quotidien. Elles garantissent donc l’accessibilité spatiale au territoire structuré par des réseaux qui mettent en lien les fonctions économiques, servicielles, culturelles, etc., localisées.

Ensuite, l’extension des aires métropolitaines a progressivement intensifié le besoin de mobilité spatiale individuelle, débouchant sur une augmentation significative des équipements individuels automobiles, des distances moyennes parcourues et sur une intensification des flux au sein (et entre) des bassins de vie de plus en plus vastes.

La mobilité et les modes de vie contemporains

Force est de constater que la mobilité est devenue constitutive des modes de vie des sociétés contemporaines, qui l’ont d’abord instituée comme une valeur positive liée à la liberté de choix des localisations des activités et à la flexibilité de circulation entre les lieux. Choisir un mode d’habiter (en centre-ville ou en périphérie) s’associe de facto à un ou des modes de transport adaptés à l’envie de réaliser pour soi-même et sa famille des activités variées. Pour autant, cette mobilité généralisée masque des différences importantes entre les individus et les groupes sociaux, menant à des situations où les déplacements sont plus ou moins pénibles, où les carences en moyens de transport impliquent des inégalités d’accès aux ressources et où les impacts environnementaux de la mobilité pèsent plus gravement sur la santé des plus fragiles.

Encourager le changement de mobilité

Encourager les individus à changer leur mobilité quotidienne nécessite de comprendre ce qui motive et structure le besoin d’accessibilité spatiale, tout en veillant à bien identifier ses effets sur les inégalités sociales et sanitaires. La recherche en sciences sociales montre en effet que formes et temps de déplacements s’expliquent par la combinaison de facteurs socio-économiques, de caractéristiques des espaces et enfin de spécificités des programmes d’activités des individus. D’autres approches expliquent comment la mobilité s’appuie sur des compétences qui s’acquièrent au cours de la vie, au gré des situations et des expériences auxquelles les individus sont exposés. Des études originales dites « interventionnelles » observent quels effets produisent certains types d’incitation (prêt de vélo, accompagnement personnalisé) sur le changement de mode dans les déplacements (voir l’étude Intermob menée à l’UGA). Autant de connaissances sur les pratiques des individus qu’il faut mettre en regard avec des cartographies des ressources disponibles (services, commerces, transport) pour identifier des zones mal desservies et/ou peu équipées. En effet, un levier du changement des mobilités peut aussi passer par des rééquilibrages dans la localisation des aménités urbaines.

Les apports de la recherche en sciences sociales

Ces apports de la recherche en sciences sociales se réduisent difficilement en un nombre restreint d’indicateurs synthétiques, mais ils dégagent pour autant des tendances et des processus qui viennent utilement informer les politiques de transition dans leur double dimension sociale et environnementale.