LAURENT ANTONI EST DIRECTEUR EXÉCUTIF DU PARTENARIAT INTERNATIONAL POUR L’HYDROGÈNE ET LES PILES À COMBUSTIBLE DANS L’ÉCONOMIE (IPHE).
Le déploiement industriel autour des batteries occulte le développement du véhicule hydrogène. Les jeux sont-ils faits ?
Laurent Antoni. « Les mobilités électriques à batterie et à hydrogène sont complémentaires. Le choix de l’une ou de l’autre dépend du véhicule et de son utilisation. La mobilité électrique à hydrogène est privilégiée pour les mobilités lourdes ou à usage intensif car elle permet de préserver un usage équivalent aux véhicules thermiques actuels. Les constructeurs automobiles privilégient un amorçage avec des véhicules utilitaires électriques à hydrogène (VUL H2). En France, Stellantis et Hyvia proposent depuis l’année dernière ce type de VUL H2 à leur catalogue, avec une capacité de production de plusieurs milliers par an. Toyota, tout en prévoyant la sortie d’une nouvelle version de la Mirai en 2026, développe également des VUL H2 ainsi que des poids lourds à hydrogène. Hyundai produit aussi en parallèle du VL Nexo, des camions à hydrogène. Le VL H2 n’en est pour autant pas sacrifié. Par exemple, BMW prévoit de lancer une première commercialisation en 2025 de la version hydrogène de son SUV X5 (le BMW iX5 hydrogène). On constate aussi dans de nombreuses villes l’émergence de flottes de taxi à hydrogène. Il y en a plus de 200 en circulation actuellement à Paris. »
Où en est-on de la production d’H2 décarboné en France et dans le monde ?
« La demande en hydrogène décarboné ne cesse de croître. En France, elle passera de 680 kt/an à plus de 1 000 kt/an en 2030. Dans le monde, le nombre de projets d’envergure (>1GW ou 200 kt H2/an) a doublé sur les six derniers mois avec une prévision de production de 38 Mt/an en 2030. La production actuelle d’hydrogène décarboné représente cependant moins de 1 % de la production mondiale, et il faudrait atteindre 75 Mt/an en 2030 pour tenir le scénario de neutralité carbone. La marche est haute mais la construction de gigafactories d’électrolyseurs a démarré. En France, l’État en soutient au moins quatre avec notamment Genvia, à Béziers (Hérault), dont la ligne pilote vient d’être inaugurée. L’État a aussi provisionné 4 Md € pour que cet hydrogène décarboné soit compétitif. »
Notre région est pionnière. Pourquoi la mobilité hydrogène n’y est-elle pas plus développée qu’ailleurs ?
« La mobilité hydrogène se développe bien dans notre région Auvergne Rhône-Alpes. Nous ne voyons certes pas encore beaucoup de véhicules sur les routes mais là aussi les éléments structurels pour privilégier une chaîne industrielle nationale se mettent en place, suivant la stratégie nationale. Et pour cela, il faut laisser le temps au temps. Des usines de production de ces stations (HRS à Champagnier, McPhy à Grenoble, Ataway au Bourget-du-Lac) et des systèmes piles à combustible (Symbio à Saint-Fons, Rhône) sortent de terre. En parallèle, une cartographie des besoins en station H2 a été établie pour l’ensemble du territoire. De nouvelles stations hydrogène sont installées notamment par Hympulsion. La Région a passé commande de 60 cars et trois trains régionaux à hydrogène. GCK va tester cet hiver, à l’Alpe d’Huez, une première dameuse à hydrogène. Les choses bougent ! »