LA GESTION DES RESSOURCES : Dominique GRAND – Docteur en physique CEA GRENOBLE

19/09/2023

DOCTEUR EN PHYSIQUE AYANT FAIT SA CARRIÈRE AU CEA GRENOBLE DANS LE DOMAINE DE LA THERMO-HYDRAULIQUE PUIS AU POSTE D’ADJOINT AU DIRECTEUR, DOMINIQUE GRAND APPORTE SON EXPERTISE À HYDRO21, ASSOCIATION DES ACTEURS RHÔNE-ALPINS DE L’HYDROÉLECTRICITÉ ET À MOBIL’IS.

Ressource et énergie : est-ce la même chose ?
Dominique Grand
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« Non, car le concept d’énergie mesure notre capacité à transformer une ressource de manière utile à l’être humain ; elle résulte d’abord de l’inventivité humaine qui ne peut toutefois réussir qu’en s’accordant aux lois physiques et aux limites des ressources naturelles. La transition énergétique vise à diminuer notre dépendance aux énergies fossiles omniprésentes dans les mobilités. La Commission européenne affiche des objectifs très ambitieux pour développer une mobilité bas carbone à base d’électricité. Si l’intention est bonne, encore faut-il trouver les moyens de produire cette électricité bas carbone et de l’intégrer au parc automobile dans
des conditions techniquement réalisables et acceptables sur les plans économique, géopolitique et environnemental. Aussi, ces critères qui assurent la durabilité des solutions devraient être évalués sérieusement. »


Justement, les énergies renouvelables ne sont-elles pas une réponse ?


« Oui pour une part du mix électrique qui doit par ailleurs faire une bonne place à cette autre énergie bas carbone qu’est le nucléaire. Ayant nié ce principe simple, l’Europe ne peut que constater la persistance d’une consommation très élevée de combustibles fossiles en dépit d’un investissement considérable et coûteux dans l’éolien et le solaire photovoltaïque depuis vingt ans. Il semble qu’ait été négligée une loi physique qui s’impose au réseau électrique : la production des sources électriques doit égaler à tout instant la consommation pour garantir l’intégrité du réseau. Une centrale électrique qui puise sa ressource dans un stock est pilotable et apte à respecter cette loi et les combustibles fossiles permettent de tels stocks. Les énergies renouvelables (hydraulique, éolien et solaire) captent des flux naturels fatals (s’imposant à nous), hautement variables et souvent intermittents. On ne peut les intégrer au réseau qu’en gardant les centrales pilotables en fonctionnement et l’Allemagne a fait le choix de garder le charbon
plutôt que le nucléaire. Ceci explique en partie le retard pris par l’Europe pour se libérer des énergies fossiles. »


Mais n’y a-t-il pas moyen de stocker l’électricité pour ajuster les productions renouvelables à la consommation avec les batteries ou l’hydrogène ?


« Certes mais n’oublions pas que l’électricité n’est pas stockée ! Elle est consommée pour produire un contenant stockable électro-chimique (batterie) ou chimique (hydrogène). Ensuite, de ce stock, on peut tirer par la transformation inverse de l’électricité mais en quantité moindre que celle consommée à cause des pertes inévitables : 80% avec les batteries et
30% avec l’hydrogène. Malgré cet inconvénient, il faudra un développement massif de moyens de stockage pour intégrer plus d’installations éoliennes et solaires. Leurs constructions entraîneront une extraction en forte
hausse de ressources minérales, avec les conséquences environnementales et géopolitiques associées. Un autre stockage est celui fourni par l’hydroélectricité sur un cycle de l’eau entre deux réservoirs d’altitudes différentes. Ce moyen éprouvé et le plus grand à ce jour, peut accompagner les nouveaux besoins de stockage avec un rendement de 80%. »


Vous mentionnez beaucoup d’obstacles et difficultés dans cette transition. Peut-on être confiants ?

« Bien sûr, en gardant l’objectif premier de développer des sources bas carbone qui auraient également les plus petites empreintes environnementales ; et en s’appuyant sur nos atouts pour développer notre stratégie énergétique. Elle reste de la responsabilité des États au sein de l’UE d’après les textes pour
une bonne raison : un mix énergétique dépend du contexte géographique et culturel d’un pays et de ses acquis techniques. Au premier enjeu de décarbonation et de minimalisation de l’impact sur l’environnement, il faut en
ajouter un deuxième non moins important, celui de la sécurité du réseau électrique qui requiert des sources pilotables. Forts de nos acquis dans ce domaine et en poursuivant leur développement ainsi que celui du stockage,
nous pourrons ainsi mieux contribuer à une solidarité européenne concrétisée par l’interconnexion des réseaux électriques. »