VERDIR LES VÉHICULES RECHARGEABLES : Seddik BACHA – Ingenieur Ecole Nat Polytechnique ALGER et Docteur PhD INP GRENOBLE

11/10/2023

Né à Ighram (Béjaïa-Bgayet) en Algérie en 1958, Seddik Bacha a obtenu son Ingéniorat et son Magister auprès de l’École nationale polytechnique d’Alger (ENPAlger). Il a ensuite été récipiendaire du doctorat et de l’habilitation à diriger des recherches de l’Institut national polytechnique de Grenoble. Il a été responsable d’un groupe de recherche sur les systèmes et réseaux électriques et a assuré les fonctions de directeur adjoint d’un GDR CNRS regroupant 400 chercheurs du Génie Électrique en France. Il est aujourd’hui président du conseil scientifique de l’Institut de transition énergétique SuperGrid. Il est aussi chercheur au sein du laboratoire G2Elab de Grenoble.

Où en est le réseau par rapport à la massification des véhicules électriques (VE) à terme ?
Seddik Bacha :

 « Le réseau électrique peut se décliner de manière simplifiée en deux entités : le transport et la distribution. Ces deux réseaux ne sont pas affectés de la même manière par le déploiement massif des énergies renouvelables (ENR) et des véhicules électriques (VE) rechargeables. On s’accorde à dire que le réseau de transport, de structure maillée et en très haute tension, peut subir sans conséquences les changements induits par les VE ; il en est de même, moyennant quelques ajustements, pour le réseau de distribution de structure radiale et à moyenne tension. C’est avant tout la distribution basse tension qui nécessitera le déploiement en urgence de structures de recharges lentes et rapides sur la voirie citadine, au niveau des bâtiments mais aussi sur les grandes voies de circulation. Les stations de recharges se devront d’être équipées systématiquement de moyens de communication et de réglage si l’on veut faire du VE un atout plus qu’un
fardeau. »

Mais recharger un VE avec de l’énergie qui ne serait pas décarbonée est-ce problématique ? Faut-il prioriser les ENR à tout prix ou électrifier avant toute chose ?

« La lutte contre le réchauffement climatique et la diminution de la dépendance aux énergies fossiles sont les principales motivations affichées pour l’extension de l’usage des véhicules électriques. Ces deux affichages peuvent aisément être battus en brèche si l’on n’assigne pas à la recharge des VE une production d’électricité verte et/ou non carbonée. Pour un réel impact positif, il y a lieu d’une part de coordonner la recharge des VE avec la disponibilité d’une énergie décarbonée, de préférence renouvelable (ENR) sur le réseau électrique. Cela permettra sans aucun doute d’éviter l’effacement de la production à base d’ENR et de la diriger vers les VE. Les flottes de VE peuvent également être amenées à compléter ou à soustraire des quantités

d’énergie à un plan de production contractuel à base d’ENR. D’autre part, il faut utiliser les potentialités des VE comme source bidirectionnelle et contrôlable pour fournir des services au réseau, notamment de réglage. C’est le point de l’usage du VE comme un acteur conséquent de la flexibilité pour le
réseau électrique, enjeu majeur pour les années à venir. La flexibilisation du réseau vise à équilibrer la production et la consommation malgré les aléas de la production des ENR. Ces mêmes ENR par leur déploiement massif font chuter l’inertie du réseau affectant ainsi sa stabilité. Ainsi, le VE a bel et bien un rôle à
jouer en tant que système de stockage à même de compenser maintes perturbations.»

Vous évoquez des interactions VE et réseau qui supposent que l’écosystème fonctionne à la perfection… Compliqué non ?

« Le déploiement massif des VE devra se faire en s’appuyant sur un écosystème comprenant les opérateurs du réseau et des stations de recharges, des opérateurs de flexibilité et ce, en en lien avec les marchés de l’énergie et des services réseau, et enfin le tout sous-tendu par des modèles économiques viables. Il faut souligner cependant que les modèles économiques associés sont très contraints par le caractère aléatoire affectant l’usage du VE : la position,
l’heure d’arrivée, de départ, l’état de charge de sa batterie et en sus le comportement de l’usager ; à tout cela peuvent se rajouter la voirie, l’urbanisation, les règlements et normes de raccordement, etc. Néanmoins, il y a lieu d’être optimiste car les technologies, dites émergeantes il y a quelques années, sont maintenant matures comme les interfaces d’électronique de puissance intelligentes, les systèmes de communications bidirectionnels, le monitoring et de contrôle à distance. »